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Le devoir de réserve et les réseaux sociaux : quand la vie privée rencontre les obligations professionnelles

Selon le Grand dictionnaire terminologique, le devoir de réserve est une obligation imposée à certaines professions, notamment aux fonctionnaires, aux professionnels, aux officiers publics et aux juges, de faire preuve de retenue et de modération dans leurs actions et déclarations publiques. Ce devoir vise à préserver la dignité de leur fonction et à maintenir la confiance du public. Il interdit les actions ou déclarations excessives ou choquantes qui pourraient nuire à la perception de leur impartialité et de leur professionnalisme.

Liens entre le devoir de réserve et le Code de déontologie des conseillers et conseillères d’orientation du Québec


Le Code de déontologie intègre plusieurs principes qui sont en lien direct avec le devoir de réserve des c.o. Voici quelques exemples :

  • Respect de la dignité et de la liberté de la personne : les c.o. doivent exercer leur profession dans le respect de la dignité et de la liberté de leurs clients et clientes, s’abstenant de toute forme de discrimination (art. 7).

  • Indépendance professionnelle et conflit d’intérêts : les c.o. doivent sauvegarder leur indépendance professionnelle et éviter toute situation de conflit d’intérêts (art. 34-41). Cela implique de ne pas laisser leurs opinions personnelles ou politiques influencer leur jugement professionnel.

  • Publicité et communication : les c.o. doivent éviter toute publicité fausse, trompeuse ou susceptible d’induire en erreur, et ne doivent pas faire de déclarations publiques qui pourraient nuire à la profession (art. 84-87).

  • Respect entre collègues : les c.o. doivent éviter de porter atteinte à la réputation d’une ou d’un autre conseiller, de poser des gestes de dénigrement ou d’utiliser des procédés déloyaux (article 65). Les c.o. doivent également éviter de critiquer sans fondement les méthodes en orientation utilisées par d’autres c.o. (art. 66).

  • Responsabilité des propos publics : les c.o. doivent être conscientes et conscients que leurs propos en ligne peuvent avoir des répercussions importantes. Ils doivent donc s’assurer que leurs communications respectent les normes éthiques et déontologiques de leur profession (art. 57).

  • Contenu des rapports : les c.o. ne peuvent pas émettre d’interprétations, conclusions et recommandations qui ne sont pas fondées sur leur expertise professionnelle et en lien avec l’exercice de leur profession, que ce soit dans un rapport écrit ou verbal (ex. : réunion multidisciplinaire) afin de sauvegarder la dignité de la profession (art. 56).

  • Avis et conseils : les c.o. doivent chercher à avoir une connaissance et une compréhension suffisantes des faits avant d’émettre des avis ou des conseils pour ne pas induire en erreur le public et trahir sa confiance (art. 55).

Liberté d’expression, vie professionnelle et vie personnelle, et déontologie

Liberté d’expression

La liberté d’expression est un droit garanti par la Charte canadienne des droits et libertés (art. 2 b) et 2 c)) et par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (art. 3). Elle permet aux individus de s’exprimer librement, mais cette liberté n’est pas absolue dans les milieux professionnels. En effet, les obligations déontologiques et éthiques modulent cette liberté pour « promouvoir, préserver et soutenir certaines valeurs et comportements ».¹

Limite entre la vie professionnelle et la vie personnelle

Brizard et al.² affirment que les professionnelles et professionnels peuvent être tenus responsables de leurs actes, même dans leur vie privée, s’ils portent atteinte à l’honneur ou à la dignité de leur profession. La jurisprudence reconnaît que les c.o. peuvent être soumis à une discipline pour des actes posés dans leur vie privée « s’il y a un lien avec l’exercice de la profession ou si ces actes portent atteinte à l’honneur, la dignité ou la discipline de celle-ci » (Langlois).

Par exemple, dans l'affaire Bolduc c. Lacroix³, un médecin a été accusé de transmettre des informations inexactes et de critiquer sans retenue les décisions sanitaires sur les réseaux sociaux. Le Conseil de discipline a jugé que ces actes, bien que posés dans la sphère privée, étaient suffisamment attentatoires à la dignité de la profession pour justifier une plainte disciplinaire.

Déontologie et liberté d’expression

Brizard et al.  expliquent plusieurs éléments en lien avec la déontologie et la vie privée:

  • « Les lois d’organisation des ordres professionnels sont des lois d’ordre public qui doivent s’interpréter en faisant primer les intérêts du public sur les intérêts privés.

  • La responsabilité disciplinaire repose sur les actes que le professionnel commet dans l’exercice de sa profession ou qui peuvent être perçus à ce titre par le public.

  • Pour qu’il y ait commission d’une faute déontologique, celle-ci doit être liée à l’exercice de la profession.

  • Toutefois, une faute peut être commise dans la sphère de la vie privée d’un professionnel et être suffisamment liée à l’exercice de la profession pour constituer un manquement disciplinaire portant atteinte à la dignité de la profession. »

Une professionnelle ou un professionnel peut exprimer librement ses opinions, mais doit le faire sans entrer en contravention avec ses normes professionnelles et déontologiques, soit avec modération et dignité. Par exemple, dans l’affaire Chiropraticiens (Ordre professionnel des) c. Morissette⁶, un chiropraticien a été reconnu coupable d’avoir publié des informations non fondées sur les principes reconnus par la science chiropratique, portant ainsi atteinte à la dignité de la profession.

Le devoir de réserve est une composante essentielle de la déontologie des conseillers et conseillères d’orientation du Québec. Il s’applique non seulement dans leurs interactions directes avec la clientèle, mais aussi dans leurs communications publiques, y compris les réseaux sociaux. En respectant ce devoir, les c.o. contribuent à maintenir la dignité et la confiance envers leur profession. Les obligations déontologiques modulent la liberté d’expression des professionnelles et des professionnels, qui doivent veiller à ce que leurs actions, même dans leur vie privée, ne portent pas atteinte à la dignité de leur profession.
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¹Brizard, C., Lemieux Brown, V., & Larouche, G. F. (2021, 25 mai). Les obligations professionnelles et déontologiques à l’ère de la COVID-19 : Quelle liberté d’expression pour les professionnels ? Conseil interprofessionnel du Québec, p. 3.
²Idem, p. 5.
³Bolduc c. Lacroix, 2020 QCCDMD 33.
Brizard, C., Lemieux Brown, V., & Larouche, G. F. (2021, 25 mai). Les obligations professionnelles et déontologiques à l’ère de la COVID-19 : Quelle liberté d’expression pour les professionnels ? Conseil interprofessionnel du Québec, p.4.
Idem.
Chiropraticiens (Ordre professionnel des) c. Morissette, 2021 QCCDCHIR 3.

Bibliographie

Bolduc c. Lacroix, 2020 QCCDMD 33.

Brizard, C., Lemieux Brown, V., & Larouche, G. F. (2021, 25 mai). Les obligations professionnelles et déontologiques à l'ère de la COVID-19 : Quelle liberté d'expression pour les professionnels ? Conseil interprofessionnel du Québec

Code de déontologie des conseillers et conseillères d'orientation du Québec, RLRQ c. C-26, r. 71.1.

Chiropraticiens (Ordre professionnel des) c. Morissette, 2021 QCCDCHIR 3.

Charte canadienne des droits et libertés, Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c. 11.

Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12.

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