Fausses informations et conspirationnisme
La protection du public en temps de pandémie : une responsabilité professionnelle mais aussi collective
Nul doute, la pandémie de la COVID-19 a entraîné son lot d’effets perturbants sur notre conscience, individuelle comme collective. Au nombre de ces effets, notons le stress et l’anxiété ressentis au regard de l’évolution de la pandémie, entre autres à propos des mesures sanitaires imposées par les autorités publiques. À ce titre, l’attitude que les citoyens choisissent d’adopter face à ces mesures peut varier du respect intégral des directives jusqu’au refus total de celles-ci.
Risques pour la collectivité
La peur que nous pouvons tous ressentir à propos de la situation actuelle est la plupart du temps liée à des fondements rationnels, mais, pour certaines personnes, elle peut aussi susciter des mécanismes de défense particuliers, comme une méfiance disproportionnée envers les institutions publiques.
Soyons clairs, la critique envers les décisions de nos représentants politiques aura toujours sa place. Après tout, nous vivons en régime démocratique, et la contribution au débat public est inscrite au sein de l’idéal démocratique. Toutefois, au même titre que la liberté d’expression doit être balisée pour éviter les préjudices envers les autres, la contribution au débat ne peut faire l’économie de cette condition.
Depuis le début de la pandémie, maintes voix se sont fait entendre – entre autres via les médias sociaux – pour minimiser la dangerosité du virus ou nier complètement son existence, pour diffuser des théories « conspirationnistes » ainsi que pour inviter la population à ne pas respecter les directives de la santé publique.
Risques pour la clientèle des conseillers et conseillères d’orientation (c.o.)
Toute situation de crise risque d’influencer le rapport que les individus entretiennent avec le travail. Ainsi, la crise sanitaire a déjà amené plusieurs personnes à remettre en question leur emploi ou leurs projets d’avenir, sans parler de la perte d’emploi à laquelle ont été confrontées nombre d’entre elles.
Quels seront les impacts de la pandémie sur le marché du travail et les perspectives d’emploi ? Est-ce que mon emploi ou mon projet d’études a toujours du sens considérant que mes valeurs sont chamboulées par le contexte actuel ? Autant de questions et d’incertitudes qui peuvent générer un besoin de réponses simples et rapides, sans équivoque.
Pour éviter l’inconfort et le stress liés à ces questions, plusieurs peuvent être tentés par les réponses offertes par les tenants du « complot », ou tout simplement choisir de s’en remettre à une variété de fausses informations véhiculées un peu partout dans l’espace public.
Les c.o. doivent donc demeurer particulièrement vigilants face aux effets potentiels de ce type de réactions chez leur clientèle. Par conséquent, il devient essentiel pour eux d’adapter leur évaluation et leur intervention aux risques que font peser la présence de discours erronés à propos de la pandémie sur le processus d’orientation des personnes qui les consultent. Deux impératifs sont à considérer : la protection du public et l’objectif des services d’orientation, c’est-à-dire celui d’accompagner les personnes vers la prise de décisions éclairées.
Obligations professionnelles des c.o.
Voilà pourquoi il est primordial pour l’Ordre de rappeler à ses membres le caractère névralgique des risques mentionnés ici. La prise en compte de ces derniers relève de leurs obligations professionnelles, de leur Code de déontologie, mais aussi de la responsabilité collective que chaque citoyen devrait assumer pour prévenir la propagation du virus. Bien qu’ils aient droit à leurs croyances ou opinions personnelles au sujet de la pandémie, les c.o. ne peuvent en aucun cas imposer celles-ci à leurs clients, au risque de fragiliser leur état psychologique et de mettre en danger leur santé. Le respect des limites de leur champ de pratique, combiné à l’exercice de leur jugement professionnel, leur interdisent donc de prodiguer des conseils ou d’émettre des opinions qui ne relèvent pas de leur expertise.
Obligations déontologiques des c.o.
De façon non exhaustive, nous citons ci-dessous quelques articles du Code de déontologie des c.o. qui renvoient à leurs obligations déontologiques, centrées ici sur l’interdiction de transmettre des informations, des recommandations ou des avis non fondés sur des faits, contraires à la science ou invitant à contrevenir aux directives de la santé publique.
- Article 4 : « Le conseiller d’orientation doit soutenir l’honneur et la dignité de la profession et favoriser le maintien du lien de confiance du public envers celle-ci. »
- Article 9 : « Le conseiller d’orientation évite toute conduite pouvant porter atteinte à l’intégrité physique, mentale ou affective de la personne avec laquelle il est en relation professionnelle. »
- Article 55 : « Le conseiller d’orientation s’abstient de donner des avis, des recommandations ou des conseils contradictoires ou incomplets. À cette fin, il cherche à avoir une connaissance et une compréhension suffisantes des faits. »
- Article 57 : « Le conseiller d’orientation ne doit pas, par quelque moyen de communication que ce soit, prononcer des paroles, publier un écrit, diffuser des photos, des images, des vidéos ou effectuer tout autre acte allant à l’encontre des dispositions du présent code ou inciter quelqu’un à agir ainsi. »
Rappels concernant le partage d’informations
* Important * : Avant de partager toute information auprès de leur clientèle ou via Internet (médias sociaux, sites Web, etc.), les c.o. ont l’obligation de s’assurer que celle-ci provient d’une source fiable et valide. En voici quelques exemples :
- Grands médias (Radio-Canada, La Presse, Le Devoir, etc.) ;
- Sites gouvernementaux (fédéral, provincial, municipal) ;
- Sites d’organismes publics, parapublics ou communautaires reconnus par les gouvernements (Santé publique du Québec, Emploi-Québec, centres de services scolaires, regroupements d’organismes en employabilité, centres de recherche, etc.) ;
- Sites d’agences ou d’organismes internationaux (Organisation mondiale de la santé, Organisation de coopération et de développement économique, Association internationale d’orientation scolaire et professionnelle, etc.) ;
- * À ÉVITER * : les articles de blogues ou de sites Web non reconnus et partagés dans les médias sociaux (ex. : textes écrits par un ou quelques particuliers, qui ne contiennent pas de sources valides et dont les contenus ne peuvent être corroborés).
*** L’Ordre fait confiance à la rigueur, à la responsabilité et au jugement professionnels de ses membres et les invitent à consulter les différentes ressources listées dans la section suivante pour les aider à adapter leur pratique au contexte inédit que nous vivons présentement.
Ressources à consulter
- Guide de l’usage des technologies numériques en orientation (OCCOQ)
- Guide explicatif du Code de déontologie des membres de l’OCCOQ
- Webinaire « Vivre avec l’inévitable : pratiquer l’orientation dans une période de bouleversement » (Alain Dubois, c.o., psychothérapeute, professeur agrégé à l’Université Laval ; webinaire disponible via Espace compétence)
- « La communauté scientifique dans la lutte contre la COVID-19 » (article diffusé dans le site du Scientifique en chef du Québec)
- « Comment reconnaître une bonne source d’information en matière de santé » (Gouvernement du Québec)
- « Un physiothérapeute qui croit que la Terre est plate radié » (article diffusé dans le site de Radio-Canada)
- Jugement du conseil de discipline de l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec (site de la Société québécoise de l’information juridique)
- « Comment discuter avec les adeptes de la théorie du complot ? » (extrait audio de l’émission Moteur de recherche, Radio-Canada)
- « Quand un proche est happé par les théories du complot » (article diffusé dans le site de Radio-Canada)
- « Pourquoi les incompétents se trouvent si bons – L’effet Dunning-Kruger » (extrait audio de l’émission Médium large, Radio-Canada)